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Jeanroy, Alfred. Les chansons de Jaufré Rudel . Paris: Champion, 1915

LES CHANSONS

DE

JAUFRÉ RUDEL

 

ÉDITÉES PAR

ALFRED JEANROY

 

PARIS

LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR

ÉDOUARD CHAMPION

1915

 

INTRODUCTION

I. VIE ET ŒUVRES DU POÈTE ; L’ANCIENNE BIOGRAPHIE
II. PIÈCES AUTHENTIQUES ET APOCRYPHES
III. LES MANUSCRITS
IV. VERSIFICATION, LANGUE ET STYLE
V. ÉTABLISSEMENT DU TEXTE

 

I. VIE ET ŒUVRES DU POÈTE ; L’ANCIENNE BIOGRAPHIE.

Les documents historiques sont absolument muets sur le personnage que les manuscrits appellent Jaufré Rudel ou Jaufré Rudel de Blaye et que certains qualifient de « prince » 1. Son existence même ne serait attestée que par les poésies mises sous son nom si le témoignage de celles-ci n'était confirmé par celui de Marcabru, qui, en 1147, envoya un de ses « vers », avec la mélodie qui l'accompagnait, a’n Jaufre Rudel oltra mar 2. Cette précieuse indication nous autorise à affirmer que Jaufré Rudel avait donné suite au projet, qu'il manifeste à la fin de notre pièce I, de « suivre Dieu à Bethléem » et à rapporter cette pièce à la seconde croisade. Les autres indications chronologiques fournies par les poésies ne sont nullement en contradiction avec celle-là : il est bien vraisemblable que le comte de Toulouse et le Bertran, nommés ensemble dans la pièce VI, sont Alphonse Jourdain et son fils naturel qui se croisèrent au mois d'août 1147. Quant à Uc Brun, ce devait être Uc VII de Lusignan, comte de la Marche (croisé, lui aussi, en 1147), avec lequel il était tout naturel qu'un seigneur du Bordelais se trouvât en relations. Que Jaufré Rudel ait appartenu à la famille qui posséda le fief de Blaye, cela est aussi très croyable, car ces deux noms furent fréquemment portés, du XIe au XIIIe siècle, par des membres de cette famille 3.

Des autres sources, à savoir la Biographie et les poésies, on ne peut tirer aucun renseignement digne de foi : la Biographie (nul n'en doute depuis la lumineuse démonstration de G. Paris) est un simple roman fabriqué à l'aide des poésies, et celles-ci ne nous fournissent que des données vagues et incertaines.

Elles se divisent assez naturellement en deux groupes : l'un est formé des pièces II, V, VI, qui chantent un amour idéal et « lointain », l'autre des pièces I, III, IV, relatives à des amours plus réelles, semble-t-il, et dont l'objet était plus rapproché du poète 4.

La femme qu'il chante dans la pièce I, et dont il n'a rien obtenu (20-1), est assez près de lui pour qu'il ait avec elle de fréquentes entrevues (22-8) ; en dépit de cet amour il se décide, pour « chercher son mieux », à faire le pèlerinage de Terre-Sainte (29-42).

— La pièce III est un peu plus explicite : l'amie du poète lui a témoigné assez de bienveillance (13-4 ; 48) pour qu'il ose lui demander un baiser (52); son château est loin, mais non, semble-t-il, dans une région inconnue (17); elle est en puissance de mari (18) et les jaloux lui causent de grands soucis (45-8). — Nous ne pouvons savoir si ce fut cet amour ou un autre qui occasionna au poète la déconvenue à laquelle la pièce IV fait de très obscures allusions : une certaine nuit qu'il s'était glissé, dévêtu, « sous couverture», il fut assailli, nargué, et la rage lui remonte encore au coeur quand il y pense (36-42) 5.

Quelques difficultés d'interprétation que présentent dans le détail ces trois pièces, elles n'en ont pas moins un vif intérêt : les allusions qu'elles contiennent sont trop précises pour que l'amour qui y est chanté soit purement fictif, et leur obscurité même est un argument en faveur de cette opinion : la poésie nous apparaît donc ici, comme chez Guillaume IX, beaucoup plus étroitement rattachée à la vie qu'elle ne le sera plus tard.

A la suite de cette mésaventure, le poète aurait — si j'interprète bien le même texte — renoncé à l'amour humain ; il se serait guéri (32) de cette maladie, féconde en angoisses (17-8) pour se tourner vers la dévotion. N'est-ce point une « joie » spirituelle que celle à laquelle il se félicite d'être revenu, avec l'aide de Dieu (22-5) ? 6. Ce port, où il se flatte désormais de trouver le repos, allégé d'un « sot fardeau » (56), n'est-ce point celui que la religion offre aux âmes blessées ? Ce « pur amour qui ne trahit personne » (35), que serait-ce, sinon l'amour divin 7 ?

S'il ne s'en tint pas rigoureusement à cette résolution, il se décida du moins à ne plus chanter qu'un amour idéal — l’amor de lonh des pièces II, V, VI — qui ne pouvait lui réserver de mécomptes, car il n'en attendait rien que sa seule imagination ne pût lui fournir 8. Cet amour en effet se nourrit de rêves ; l'objet en est si inaccessible (II, 15) qu'il désespère parfois de l'atteindre (V, 22-8) ; tout ce qu'il se promet, dans ses rêves les plus audacieux, c'est de contempler un instant la femme aimée, d'être « hébergé » à ses côtés, d'échanger avec elle quelques douces paroles (V, 19-21 ; cf. les strophes apocryphes de VI, p. 32) 9.

Cet amour revêt une teinte tellement mystique que l'on a pu se demander s'il n'était pas suprasensible et s'il ne se confondait point avec l'amour divin, auquel il nous a semblé que l'auteur entendait se vouer. C'est, on le sait, la thèse qu'a soutenue M. C. Appel. Sans la discuter ici à fond, je dirai en quelques mots pourquoi je ne l'accepte pas. D'abord elle me semble inconciliable avec cette idée, exprimée avec insistance, d'un lointain voyage à entreprendre (V, 15-28) et avec certaines expressions qui, employées à propos de la reine du ciel, eussent frisé le blasphème 10 ; mais ce qui me frappe surtout, c'est que le poète, en les employant, eût eu toutes les chances du monde de n'être pas compris et l'on ne voit pas alors quel eût pu être l'intérêt de ce jeu d'esprit 11.

Ce qui est certain en tout cas, c'est que l'auteur de la Biographie, mieux placé que nous pour saisir la pensée du poète, n'y a point vu d'intentions allégoriques12. Pour lui, l'objet de cet amour, pour lointain qu'il soit, n'est pas inaccessible ; c'est une princesse en chair et en os, dont le poète s'est énamouré, sans l'avoir vue, à cause des éloges qu'en faisaient des pèlerins, et qui portaient évidemment sur les qualités de beauté et de courtoisie alors appréciées. Son récit est essentiellement fondé sur les pièces II, V, VI, auxquelles il emprunte les principaux thèmes sur lesquels il brode, le pèlerinage en pays lointain (V, 12; VI, strophes apocryphes), les risques volontairement courus (V, 34-5), la joie de contempler un instant l'objet aimé (V, 40-2) ; il a utilisé aussi la pièce I, qui lui fournissait la mention du départ pour la Terre Sainte, mais sans s'apercevoir que cette pièce, sainement interprétée, ruinait tout son roman ; il en résulte en effet « que Jaufré, quand il se croisa, était amoureux, non d'une inconnue, qu'il allait chercher outre-mer, mais bien d'une personne qu'il laissait en France » 13 et qu'il connaissait assez pour en décrire minutieusement la beauté.

De valeur historique nulle, ce récit est du moins, en son genre, un petit chef-d'oeuvre qui était vraiment digne d'inspirer tant de poètes modernes 14 : l'auteur inconnu de ces quelques lignes a vraiment senti le charme étrange de ces vers énigmatiques et frustes, et il l'a fait passer tout entier dans sa prose d'une sobre élégance ; il a su, sans l'altérer, transformer le rêve du poète en une réalité concrète et donner à cette touchante histoire le seul dénouement qu'elle pût comporter : c'est donc une excellente illustration des trois pièces les plus originales du poètes 15, une miniature exécutée par un artiste plein de sensibilité et de goût 16.

 

II. PIÈCES AUTHENTIQUES ET APOCRYPHES. — L'authenticité des six poésies publiées d'abord ci-dessous, admise par Bartsch, n'a été depuis lors mise en doute par personne 17. L'authenticité de I, II, V, VI est assurée, en dehors des arguments que l'on  pourrait tirer des idées exprimées ou du style, par l'accord de manuscrits appartenant à des familles différentes. Les pièces III et IV ne sont que dans deux manuscrits, mais ceux-ci paraissent remonter à des traditions différentes ; chacune d'elles contient au reste des expressions familières au poète, qui peuvent être considérées comme une sorte de marque de fabrique (III, 12 : IV, 8 ; voir au Glossaire à jauzir).

L'attribution de quatre autres pièces à Jaufré Rudel se présente dans des conditions telles qu'il y a lieu de n'y attacher aucune importance. La première de ces pièces (Lanquan lo tems renovela; 190, 1), quoique attribuée à Rudel dans Ce, peut être écartée immédiatement, l'auteur se nommant lui-même dans le texte (qu'en Grimoartz vos espelh, v. 60). — Pour la seconde (Lanquan vei florir l’espiga; 202, 8), les deux témoignages qui l'attribuent à notre poète se confondent, la table de C et les rubriques de R remontant à une source commune ; cette chanson (imp. dans Mahn, Ged., 906-7) est du reste en rimas caras et, entre autres allusions obscures, en contient une à Narbonne (v. 43), ce qui nous écarte beaucoup de la Saintonge. — Pour la pièce Ges en bon vers no pose faillir (356, 4), le témoignage isolé de S est sans aucune valeur en face de ceux qui attribuent la pièce à Peire Rogier 18. —-On pourrait hésiter davantage en ce qui concerne Qui non sap esser chantaire (uniquement dans a) ; mais la complication de la forme strophique me paraît un argument sans réplique (voir plus bas, § IV) 19. On sait que les attributions de a sont d'une valeur très diverse 20 : les v. 28-31, qui rappellent assez certains passages de notre poète, peuvent suffire à expliquer cette attribution.

 

III. Les manuscrits. — Le tableau suivant permettra de se rendre compte du contenu des divers mss. 21 et de l'ordre où les pièces s'y présentent 22.

A, f. 127 23, Biog. : I, II, V

B, f. 75, Biog. : I, II, V

D, f. 88: I, II, V

C, f. 214: II, I, IV [190, I], III, VI, V

E, p. 149: II, V, I, VI

I, f. 121, Biog: V, II, I

K, f. 107, Biog.: V, II, I

M, f. 165: V, II, VI, I

Nª, f. 19, Biog: I

R, f. 63: [202,8], VI, V, I, II

S, p. 180: [356,4], V, II

Sg: p. 191: V, II, I

U, f. 126: II

X, f. 81 et 149: V, II

W, f. 189: V

a, p. 458 et 498: VI, V, I [183,1], VII

b, f. 6 et 5: II, V, VI

e, p. 174: IV, I, II [190,1], V, III, VI

ε, f. 75: V

ζ, p. 2e, f. 1: II

 

IV. VERSIFICATION, LANGUE ET STYLE 24. — Les formules strophiques sont les suivantes (les italiques désignent les rimes féminines) :

I : a b a b    b c d ; 8 syllabes ; 6 couplets.

II : a b c d    a c e (c. I-II) ; 7 syllabes ; 5 couplets.

     c d a b    c a e (c. III-V).

III: a b a b    c c d e ; 8 syllabes ; 7 couplets.

IV: a b b a    c c d (c. I-II, V) ; 8 syllabes ; 8 couplets.

      b a a b    c c d (c. III-IV, VII-VIII).

V: a b a b    c c  d ; 8 syllabes; 7 couplets + envoi. Le mot lonh est répété à la fin des v. 2 et 4 de chaque couplet.

VI: a b b a    a b ; 8 syllabes; 8 couplets + envoi.

 

Les couplets sont, comme on le voit, très courts et leur structure des plus simples. Leur nombre oscille entre cinq et huit (plus envoi dans V, VI). Ils se composent soit de huit vers (III), soit de sept (I, II, IV, V), soit de six (VI). Les seuls vers employés sont ceux de huit syllabes (partout, sauf dans II) et de sept, et jamais ils n'alternent dans la même pièce. La prédominance des rimes masculines est notable, comme dans tous les poètes les plus anciens ; quatre pièces ne comptent que des rimes masculines ; il n'y a qu'une rime féminine dans I ; il y en a, en revanche, cinq dans II. Un trait particulier à Jaufré Rudel est l'abondance des rimes esparsas, c'est-à-dire qui n'ont pas leur correspondante dans le couplet même (ce qui entraîne le retour de la même rime dans tous les couplets) : on en trouve une dans IV, V, deux dans I, III, trois dans II. Il y a dans V un mot-rime répété aux vers 2, 4. Les couplets sont ordinairement unissonans ; une alternance assez savante, figurée par les schémas qui précèdent, donne dans II et IV des groupes de 2 + 3, 4 + 4 couplets identiques. — Les rimes sont suffisantes, mais on ne constate aucune recherche ni de la richesse, ni de la rareté. Le poète ne recule nullement, comme le feront ses successeurs, au moins les plus soigneux, devant la répétition du même mot à la rime, qui est, au contraire, extrêmement fréquente chez lui (I, 20, 41 ; 14, 21 ; 18, 32 ; III, 21, 54 ; IV, 48, 54; 12, 34).

On remarquera que presque aucun de ces caractères ne se retrouve dans la pièce VII, qui est attribuée à Rudel uniquement par le ms. a et dont le schéma est a a  b b c c d d e; V. 1, 3, 5, 9 de 7 syll., 7 de 8 syll, vers pairs monosyllabiques avec rimes en écho ; la rime de 9 est esparsa.

Le poète a donné à deux de ses pièces (II, VI) le nom de « vers »), à une autre (IV) celui de « chant ». Le nº II, n'ayant que six couplets, pourrait tout aussi bien être qualifié « chanson » ; mais à l'époque de Rudel une distinction rigoureuse n'était pas encore faite entre les deux genres.

Le ms. R nous a conservé les mélodies des pièces I, II, V, VI: celle de V est aussi dans W et X 25.

La langue de J. Rudel ne donnerait lieu à aucune remarque si nous n'avions à relever dans la pièce III huit exemples de l finale vocalisée après a (aitau, logau, corau, lejau, mau, lau, batestau, sau) ; ce n'est pas là seulement un trait gascon, comme le disent les Leys d’Amors 26, mais aussi saintongeais, poitevin et limousin ; on sait qu'il est fréquent chez les plus anciens troubadours et ne donne aucune indication sur la patrie des auteurs chez qui on le rencontre 27.

Le style n'est pas moins simple que la versification : on n'y constate aucune recherche du mot rare ou de l'expression originale (sauf peut-être dans la pièce II, où l'on remarque dans la versification une recherche analogue) ; le vocabulaire est pauvre ; les mêmes mots ou formules reviennent à plusieurs reprises 28. Les seules recherches que le poète se permette sont des antithèses, au reste assez naturelles 29, des allitérations, non moins fréquentes que chez les autres poètes de la même époque 30, et l'emploi des dérivés ou composés du même radical, ce qui aboutit encore à l'allitération.

C'est évidemment à ces maladresses de forme que fait allusion le biographe de Rudel quand il parle, non sans dédain, de ses paubres motz 31. Mais le vieux poète a des qualités qui nous touchent plus que ces défauts ne nous choquent et auxquelles nous sommes d'autant plus sensibles qu'elles sont plus rares chez les troubadours : je veux dire de la simplicité, une certaine fraîcheur de sentiment et une naïveté d'expression que nous mettons bien au-dessus des prouesses de style et des acrobaties de versification d'un Giraut de Borneil ou d'un Peire Vidal.

 

V. ÉTABLISSEMENT DU TEXTE. — J'ai choisi comme base de mon édition le ms. C, parce qu'il contient toutes les pièces authentiques et que j'obtenais, en le suivant, une suffisante uniformité graphique 32. On trouvera, aux variantes, toutes les leçons des manuscrits offrant un intérêt quelconque ; j'ai même abondé plutôt dans le sens de l'excès que dans celui de l'insuffisance.

J'ai copié ou collationné moi-même tous les mss. de Paris, sauf B, qui n'a aucune importance. Je dois des copies complètes de D e Sg à mes collègues et amis Bertoni, De Bartholomaeis, Pelaez et Massó Torrents, que je prie d'agréer mes vifs remerciements. Pour les autres mss. je me suis contenté des éditions diplomatiques ou du matériel rassemblé par M. Stimming, dont la comparaison avec les mss. parisiens m'a permis, à de très rares exceptions près, de constater la valeur.

 

NOTES

1. Les rubriques donnent ces deux noms, sous la forme du cas-sujet ou du cas-régime, avec quelques divergences graphiques: Rudelh dans C, Jofre dans M ; la mention de Blaia est dans CDN2, celle de « prince » uniquement dans la Biographie.()

2. Cortezamen vuelh comensar (éd. Dejeanne, XV), v. 38.()

3. Sur ces deux noms, voir Stimming. Introd., p. 1-2 ; sur le titre de « prince », G. Paris, p. 499-502.()

4. Je m'en tiens à l'ancienne classification, reprise par Crescini (p. 5 ss.) et par G. Paris, qui propose toutefois (p. 528, n. i) de joindre au premier groupe la pièce III, sans doute à cause des v. 17-18 ; mais il peut s'agir là d'un éloignement tout relatif ; les v. 13-14 me semblent prouver que le poète connaît déjà la femme dont il parle et les détails réalistes (v. 45-8, 52) me paraissent plutôt rapprocher cette pièce de I et IV. — Sur la place à assigner à II, voir Paris, p. 520. — Je néglige complétement la pièce VII, pour les raisons exposées plus bas.()

5. M. Stimming (p. 5) ne doute pas que la femme aimée se soit rendue complice de ce vilain tour ; cela est peu probable, car Jaufré n'accuse que lui-même, qui a voulu ravir à autrui sa conquête (10-11) et ces « losengiers », qu'il a eu tort de croire (30), c'est-à-dire les rivaux, peut être ces jaloux désignes ailleurs (II, 45). L'allusion des v. 45-6 me reste parfaitement obscure.()

6. Avec Dieu, il remercie certains « bons conseillers » et une dame (lieis) dans laquelle je reconnaîtrais volontiers, comme M. Appel (p. 343) la Vierge Marie.()

7. Cette interprétation n'est pas celle de la plupart de mes devanciers : Diez (Leben, 2º éd., p. 50) voyait dans les premiers vers un cri de joie échappé au poète « après l'accomplissement de ses désirs ». M. Stimming (p. 7) combat cette interprétation sans se rapprocher de la mienne qui est celle de M. Appel.()

8. Il me paraît beaucoup plus conforme à la vérité psychologique de placer cette série de pièces après et non avant la première.()

9. On voit que je tiens à peine compte, dans cette analyse, de la pièce VI, où le thème est poussé à une paradoxale exagération et traité au reste sur un ton demi-badin qui ne convient guère au sujet.()

10. Dins vergier o sotz cortina, II, 13 ; la cambra el jardis. V, 41 ; anc no·m dis ver ni no·m menti, VI, 29-30.()

11. G. Paris a parlé déjà (p. 528), après M. Stengel, d'un « jeu d'imagination, poussé à ses dernières limites dans la pièce VI ».()

12. Cette Biographie, comme la plupart des autres, doit être un peu antérieure au milieu du XIIIe siècle ; elle était déjà connue des auteurs d'un partimen (425, I : impr. Mahn, Gedichte, nº 954, non 924) que G. Paris (p. 530) date, je ne sais pourquoi, de 1240 environ, les deux auteurs, Izarn et Rofian, étant absolument inconnus ; l'allusion de Matfré Ermengau en 1288, (voy. Stimming, p. 18) n'a rien qui puisse surprendre.()

13. G. Paris, p. 514.()

14. Sur ces imitations, voir G. Paris, p. 498.(↑)

15. Ce sont ces trois pièces qui ont fait la fortune du poète ; tandis que les nos III et IV ne se trouvent que dans deux manuscrits, le nº II  se lit, complet ou non, dans quinze, V dans quatorze, VI dans cinq seulement, manquant dans le groupe ABDIK, peut-être parce qu'il a semblé à l'auteur de l'archétype que le ton cadrait mal avec celui des deux autres ; la pièce I a été aussi copiée très souvent (douze mss.), sans doute à cause de l'allusion au voyage en Terre Sainte qui semblait, aux yeux des lecteurs peu attentifs, la classer dans la même catégorie.()

16. G. Paris suppose (p. 530) que le biographe n'a pas inventé cette histoire, qui circulait alors « dans le monde des jongleurs », et il admet que les deux strophes apocryphes de VI proviendraient de la même source. Mais elles ont pu être aussi bien inspirées par la Biographie elle-même.()

17. Je conserve l'ordre adopté par M. Stimming, pour la commodité du lecteur, tous les travaux publiés depuis quarante ans se référant à cette édition. Mais il est évident qu'il eût mieux valu répartir les pièces dans les deux séries indiquées plus haut. G. Paris (p. 528, n.) propose l'ordre I, II, III, V, VI, IV, mais il ne me paraît pas naturel d'intercaler entre les autres les pièces relatives à l’amor de lonh. Il n'y a pas lieu de s'arrêter à l'ordre des manuscrits, comme on le verra par le tableau de la p. ix.()

18. Sur la classification des manuscrits, voy. Appel, Peire Rogier, p. 52.()

19. Je publie néanmoins cette pièce (nº VII), qui peut passer pour un pastiche de Rudel et dont le texte était insuffisamment établi.()

20. Ce même ms. attribue à Bernart Marti notre chanson VI, dont l'authenticité est indiscutable, et à Jaufré Rudel une pièce qui est sûrement de Guillaume IX (Bertoni, Il canzoniere de B. Amoros, complemento Campori, p. 277).()

21. Sur ces mss., voir ma Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux (sous presse).()

22. Sur les versions incomplètes ou interpolées, on trouvera les renseignements nécessaires aux Variantes.()

23. Les indications de folios en italiques désignent des rectos.()

24. La métrique a déjà été traitée très soigneusement par M. Stimming, Introd., p. 29-39.()

25. L'auteur de la Biographie nous apprend que les mélodies de Rudel étaient plus appréciées que ses vers ; ce sont elles sans doute qui ont contribué à répandre ceux-ci au Nord de la France : le premier couplet de V est cité dans Guillaume de Dôle et de longs passages de II et V ont été transcrits dans trois chansonniers français (X, W, ζ).()

26. Voy. le passage dans Stimming, p. 36.()

27. Voy. mon Introduction aux Chansons de Guillaume IX, p. x.()

28. Il y a un véritable abus du verbe jauzir et de ses dérivés ; sur la formule jauzitz jauzen, cf. plus haut, p. viii ; cf. la locution saber az escien, I, 40 ; IV, 12, 54.()

29. Cf. I, 2 ; 23-5 ; V, 10-11, 20.()

30. Voy. notamment Zenker, Peire d'Alvernhe, p. 70 ss.()

31. Diez traduit (p. 46), certainement à tort, par « vers courts ». M. Stimming (p. 12, n. 3) croit que l'auteur fait allusion à la simplicité des formes métriques. Mot s'opposant toujours à so, il s'agit, à mon avis, de ce que nous appelons le style.()

32. Pour la pièce VI toutefois, j'ai pris comme base E, beaucoup plus rapproché de l'original.()

 

BIOGRAPHIE

Jaufres Rudels de Blaia si fo mout gentils om, princes de Blaia ; et enamoret se de la comtessa de Tripol, ses vezer per lo ben qu'el n'auzi dire als pelegrins que venguen d'Antiocha ; e fetz de lleis mains vers ab bons sons ab paubres motz. E per voluntat de lleis vezer el se crozet c mes se en mar ; e pres lo malautia en la nau e fo condug a Tripol en un alberc per mort. E fo fait a saber a la comtessa, et ella venc ad el, al sieu leit, e pres lo entre sos bratz ; et el saup qu'ella era la comtessa, si recobret l'auzir e·l flairar ; e lauzet Dieu e·l grazi que l'avia la vida sostenguda tro qu'el l'agues vista. Et enaissi el mori entre sos braz, et ella lo fez a gran honor sepellir en la maion del Temple. E pois en aquel dia ella se rendet morga per la dolor qu'ella ac de la mort de lui.

 

Text de I, var. de AB (Studj, III, 393 et 700), K et N2 (Archiv, CII, 192). — Texte d'après tous les mss. dans Stimming (40), d'après BIK dans Meyer (Recueil, 99), sans variantes dans Chabaneau (Biog., 10).

1 hom e fo IK ; 2 Tripoli IK — 3 lo bon IK, per lo gran ben e per la gran cortesia B qel n'auzi (auzi B) dir de lieis AB ; pelerins IK — 5 e se mes IK — 6-7 en mar per anar lieis vezer et (adoncs B) en la nau lo pres mout grans malautia si que cill que eron ab lui cuideron q'el fos mortz en la nau, mas tant feiron q'il lo conduisseron a Tripol en un alberc aussi cum per mort AB — 7 a manque IKN2 — 8 e adoncs ella s'en venc a lui A, e venc ad el B; al son leit IKN2 ; antre IKN2 — 9 el manque IK ; que so era A ; e mantenen rec. IK, e r. N2 — 10 lo vezer el flazar AB ; el graz manque IK ; car l'avia  N2 ; 11 Et aissi N2 — 12 entre les bratz de la domna (comtessa B) AB — 13 del temple de Tripol B ; en aqel meteus dia B — 14 n'ac IK, ac de lui e de la soa mort AB, ac de la soa mort N2AB ajoutent et aqui son escriutas de las soas cansos (chanssos B).

 

 

 

 

 

 

 

 

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